LES PRISONNIERS AU PAYS BASQUE

Le 17 décembre 1995, lors d'une assemblée générale SENIDEAK, association des familles de prisonniers décide de tenter de mettre fin à la politique de dispersion pénitentiaire subie par les leurs depuis 1994.

La politique de dispersion démontre la complicité qui existe entre les divers pouvoirs comme l'identification évidente du pouvoir judiciaire qui légitime et garantit l'impunité à ceux qui pratiquent la répression à l'intérieur même des prisons. La collaboration de presque tous les juges de Surveillance Pénitentiaire dans la répression contre les prisonniers politiques basques permet la violation continue des droits de ces prisonniers ainsi que l'impunité pour ceux qui les pratiquent. Voilà déjà 13 ans que cette politique est appliquée, la majorité des partis politiques reconnaît aujourd'hui qu'elle est inhumaine et illégale. Pendant ces 13 années, les prisonniers ont été tabassés des centaines de fois, privés de leurs droits élémentaires comme le droit à l'étude, aux visites des amis, à une assistance médicale correcte ...

Si les premières victimes de cette stratégie de la dispersion sont les prisonniers, il faut dire que leurs familles en sont aussi les victimes. C'est pour cela que lors de cette assemblée générale les participants s'engagent à lutter jusqu'à obtenir le transfert des prisonniers politiques basques dans des prisons situées au Pays Basque.

 

Grève de la faim à la cathédrale du Buen Pastor

Cette initiative fait suite à la décision d'obtenir le transfert des prisonniers. Il s'agit d'une grève de la faim permanente qui se déroule par groupe de 15 personnes de toutes origines. Elle démarre le 18 décembre 1995 et à ce jour 69 tours se sont succédé avec 1035 personnes. Malgré le silence qui pèse sur cette action, de vastes secteurs de la société basque se sont succédés dans ce lieu. La solidarité venant de l'extérieur s'est aussi manifestée avec des participants venus de Bretagne, d'Andalousie, d'Irlande, de Catalogne ou de Galice.

 

Le Collectif des Prisonniers Politiques Basques démarre une lutte d'une durée indéterminée et permanente

Le 15 janvier 1996 le Collectif des Prisonniers Politiques Basques décide de démarrer une action d'une durée indéterminée et permanente qui ne prendra fin que lorsqu'ils auront obtenu gain de cause sur les points suivants :

- Fin des agressions et respect des Droits de l'Homme dans les prisons françaises et espagnoles,
- Respect de la législation en vigueur en matière pénitentiaire et en conséquence libération des prisonniers ayant accompli les 3/4 de leur peine ou qui présentent des maladies graves et incurables,
- Reconnaissance du statut de prisonnier politique.
Cette initiative est passée par des phases diverses comme des grèves de la faim, refus de quitter leurs cellules, refus d'obéissance, etc.

 

Enlèvement du gardien de prison Ortega Lara

Le 17 février 1996, à deux jours du démarrage de la lutte du Collectif des Prisonniers Politiques, ETA enlève le gardien de prison José Antonio Ortega Lara. Dans le communiqué qui suit ETA, soutient les revendications des prisonniers et demande au gouvernement espagnol de négocier avec les prisonniers pour pouvoir libérer le gardien. A ce jour rien n'a permis de libérer Ortega Lara.

 

Soutien aux revendications des prisonniers

Depuis le début de leurs actions, les prisonniers ont bénéficié d'un soutien toujours plus large venant de tous les horizons : social, syndical, institutionnel, politique, culturel, etc. Il faut ici signaler les accords intervenus entre les syndicats basques qui représentent la majorité, comme l'accord entre le groupe de Maraño qui rassemble les groupes pacifistes comme Bakea Orain, Elkarri, Gernika Batzordea, Gestoras Pro Amnistia, Herria 2000 Eliza, et Senideak. Il faut aussi dire que plus de 600 professionnels de la presse ont signé en faveur du regroupement. Le soutien est aussi venu des institutions elles mêmes; une centaine de municipalités ont signé une motion, il faut aussi rappeler la motion votée par le Parlement autonome basque sur proposition de la Commission des Droits de l'Homme. Les soutiens venus de l'extérieur sont également nombreux, comme par exemple celui de l'Association pour la Prévention de la Torture (APT), l'Observatoire International des Prisons (OIP), ou le Comité Européen pour la Prévention de la Torture (CPT).

 

Mobilisation sociale

En plus de la mobilisation déjà mentionnée à la Cathédrale du Buen Pastor, il faut ajouter les mobilisations qui se sont déroulées dans tous les villages, dans tous les quartiers du Pays Basque, mobilisations pacifiques, mais aussi sabotages pour faire pression sur le gouvernement espagnol et son aveuglement. A ce jour, on dénombre déjà plus de 5000 mobilisations de tous ordres et plus de 600 sabotages revendiqués pour soutenir la lutte des prisonniers.

Il faut y ajouter les manifestations nationales qui se déroulent au Pays Basque et qui rassemblent le 30 mars 1996 15.000 personnes à Gasteiz/Vittoria, et le 30 novembre 1996 à Bilbao 45.000 participants où les jeûnes de soutien qui se déroulent dans 7 capitales européennes et qui regroupent 500 citoyens basques, enfin la grève de la faim d'une durée indéterminée que démarrent 8 femmes et hommes à Pampelune/Iruña et leur hospitalisation qui intervient après 40 jours de jeûne.

 

Quelques raisons pour nous réjouir

Grâce aux mobilisations de vastes secteurs de la société basque, nous avons obtenu que l'article 92 du régime pénitentiaire soit appliqué à 5 prisonniers souffrant de graves maladies incurables et dont la libération était refusée. Pourtant, il reste encore Franco Argibai et Kitti Arrizabalaga qui présentent des troubles psychologiques graves et qui devraient bénéficier de l'application de cet article.

 

Interlocution

Cette année est marquée par la pression sociale, par l'aveuglement du gouvernement le tout conditionné par l'enlèvement du gardien de prison Ortega Lara. Pour mettre fin à cette situation, le Collectif des Prisonniers Politiques Basques désigne un groupe de prisonniers comme ses interlocuteurs auprès des gouvernements espagnols et français. La solution ne peut venir que par la reconnaissance des droits inhérents aux prisonniers politiques basques, elle sera basée sur la mise en route de mécanismes et de prévision de délais pour y parvenir. Les prisonniers manifestent clairement leur souhait de voir s'appliquer une solution juste, ils démontrent ainsi que c'est le Collectif et lui seul, qui décide de tout ce qui l'affecte. Dans cette situation d'impasse, Lasa Mitxelena, porte parole des prisonniers adresse une lettre à la Commission des Droits de l'Homme du Parlement autonome basque pour lui demander une rencontre. Il souhaite cette rencontre pour faire part de la position du Collectif; mais aussi pour connaître le sentiment de la Commission suite à sa motion émise le 3 octobre et prévoyant le transfert des prisonniers vers les prisons les plus proches de leurs lieux de résidence.

La Commission décide de se rendre au rendez-vous le 3 mars 1997. Elle transmet à Lasa Mitxelena le plan de rapprochement qu'elle a élaboré. Le porte parole des prisonniers considère que ce plan ne reprend pas les conditions établies parla motion votée, il considère que la dispersion est maintenue même si les prisons se rapprochent du Pays Basque. L'entretien se déroule dans un climat polémique, le ministre de l'intérieur Major Oreja refuse de recevoir les représentants de la Commission après leur rencontre avec Lasa Mitxelena sous prétexte de ne pas comparer "un ministre à un militant de ETA".

 

Conclusion

Les Prisonniers Politiques Basques comme une grande majorité de la société basque sont déterminés à mettre fin à cette politique pénitentiaire qui a provoquée la mort de 11 prisonniers, plus de 600 agressions physiques contre les prisonniers et la violation constante de leurs droits les plus élémentaires. Aujourd'hui le pari est clair : ou le modèle répressif se perpétue ou on commence à humaniser une des expressions du conflit qui oppose le Pays Basque aux États espagnols et français, il faut avancer vers la normalisation et une cohabitation qui sans cela deviendra chaque jour plus difficile.